Gisèle Halimi, une femme qui a défendu les autres
Une avocate qui se disait rebelle, lorsque la loi ne lui plaisait pas et lui semblait surtout injuste. Un goût du combat qui est né tôt, en Tunisie où elle naît et grandit dans une famille juive, française et traditionaliste. Elle se révolte vite contre sa condition de fille :
à l’âge de 10 ans, elle refuse de servir ses frères à table et de faire leur lit en entamant une grève de la faim, ses parents n’ont d’autre choix que de céder. C’est sa première victoire. À 16 ans, elle est promise à un homme de 36 ans. Elle s’oppose à ce mariage.
En 1945, elle arrive à Paris et poursuit des études de droit et de philosophie à la Sorbonne. Peu de temps après, elle subit un avortement en toute illégalité.
En 1949, le livre de Simone de Beauvoir, « le deuxième sexe » est une grande inspiration pour elle. La même année, elle s’inscrit au barreau de Tunis et devient vite une avocate engagée. La colonisation, et surtout ses injustices ont beaucoup marqué Gisèle Halimi qui défend dans les années 50 des indépendantistes tunisiens accusés d’avoir commis des attentats. Elle s’engage dans la défense des nationalistes algériens qui luttent pour l’indépendance. En 1960, elle défend Djamila Boupacha, une jeune militante du FLN. Alors que sa cliente encourt la peine de mort, Gisèle Halimi arrive à la convaincre d’en parler publiquement et brise un tabou. Elle dénonce et médiatise la torture et le viol infligés par des soldats français. Ce combat, elle le mène souvent sous menaces de mort, il faut savoir que l’un des ses associés a été assassiné lors de ce procès qu’elle gagne. C’est un moment clé dans sa lutte féministe.
En 1971, elle signe le manifeste des 343, parmi de nombreuses célébrités qui reconnaissent avoir eu recours à un avortement clandestin qui concerné pourtant un million de Françaises chaque année. Les femmes souhaitent pouvoir disposer de leurs corps, c’est dans cette rébellion que Gisèle Halimi fonde une association « choisir la cause des femmes » qui se bat pour la dépénalisation de l’avortement. Elle l’affirme : « La maternité doit être un acte conscient, voulu et non-subit », l’opinion publique est très hésitante sur cette question, tout va basculer avec un événement.
L’événement qui vient briser le tabou : le procès de Bobigny. Marie-Claire Chevalier, une jeune femme de 16 ans, jugée après avoir avortée aidé par sa mère, des suites du viol de son petit ami. Une pratique illégale et passible de prison à l’époque. C’est d’ailleurs son ex petit ami qui l'a dénoncé à la police.Gisèle Halimi décide de transformer ce procès en procès de la loi. Elle a été claire avec sa cliente : Marie-Claire Chevalier risquait le maximum, à savoir 5 ans de prison, sa mère elle jusqu’à 10 ans. Elle accepte de faire de son procès un procès qui interroge la société dans son ensemble. De nombreuses manifestations de féministes sont organisées devant le tribunal de Bobigny.
Le 11 octobre 1972, Marie-Claire Chevalier est acquittée, le procès est gagné ! Trois mois après, c’est la mère de Marie-Claire Chevalier avec trois complices qui sont jugées au tribunal de Bobigny pour complicité dans cet avortement. Là encore, les peines sont symboliques : des amendes avec sursis. Et c’est avec ce procès, que la légalisation de l’avortement semble plus proche que jamais en France en devenant un grand débat politique national. Il faut savoir que l’avortement est régi par la loi de 1920 qui pousse de nombreuses femmes à se faire avorter à l’étranger ou en toute illégalité en France, mais qui a un coût, ce qui instaure une injustice entre celles qui ont les moyens de le faire ou pas.L’opinion publique s’empare de cette cause, de nombreux débats comment à émerger. En 1975, grâce à la ténacité de la ministre de la Santé, Simone Veil, l’avortement est enfin autorisé, les femmes peuvent disposer de leur corps.
Aux côtés des féministes, elle souhaite que le viol ne soit plus un défi, mais devienne un crime : c’est le procès d’Aix-en-Provence en 1978. Elle refuse que le procès se fasse a huit clos, pour que ce procès soit justement une tribune. Elle obtient pour la première fois que le viol de deux jeunes homosexuelles, touristes belges soit jugé en assise. L’avocate est menacée, et injuriée à l’extérieur du tribunal, mais Gisèle Halimi ne plie pas. Les violeurs seront condamnés à de la prison.
En 1980, elle parvient encore à faire évoluer la loi : le viol devient un crime et non plus un délit.
Elle nous quitte en 2020, toujours féministe et révoltée dans le cœur. Elle est l’une des figures emblématiques du combat féministes et des droits en faveur des femmes.